Innovation : du client vers la R&D

Lorsque Dave Pollard ne nous invite pas à l’aider à sauver le monde, il chronique sur le thème de l’innovation. L’un de ses credos, très tendance, mais à forte teneur en pertinence il me semble, est que l’innovation n’est pas l’apanage des laboratoires de R&D. L’innovation résulte de la confrontation avec des clients imaginatifs, en amont de la conception produit. Bien sûr, les labos R&D objectent : « Les clients ne sont pas des experts et donc ne savent ce qu’ils veulent à moins qu’on ne leur montre quelque chose. Si vous leur demandez ce qu’ils veulent, ils vous répondent simplement : qu’avez-vous à offrir ? ». Ce à quoi Dave Pollard leur répond :

[…] Vous ne devriez pas demander aux gens quel [produit] ils veulent parce que ce n’est pas un produit qu’ils cherchent [mais plutôt] les attributs et bénéfices que le produit a à offrir : confort, […] prestige, [sécurité, …]. […] [De plus,] vous avez besoin d’un processus itératif pour appréhender ce dont les gens ont besoin, veulent ou utiliseraient […] Ce processus suppose une combinaison d’exercice d’imagination, de questionnements du type « et si ? » et d’une manière générale cela suppose d’aider les clients à imaginer la situation future de leurs propres organisations et besoins et la manière dont ils réagiraient si quelque chose de nouveau devenait tout à coup disponible. Si vous demandez aux gens « que voudriez voir sur l’intranet de l’entreprise », vous obtiendrez probablement des réponses sans intérêt (ou pas de réponse) […]. Par contre, vous pourrez obtenir des résultats si vous les aidez à se figurer comment sera le futur de leur métier, si vous travaillez ensuite sur cette vision en posant un ensemble itératif de « et si ? » pour déterminer les types de [produit] qu’ils pourraient utiliser avec efficacité dans cet environnement et si vous travaillez avec eux en étroite collaboration pour concevoir ce produit.

Dave Pollard partage également son expérience de missions de conseil en innovation sous la forme d’autres découvertes et conseils :

  • se focaliser sur la technologie et négliger la dimension émotionnelle des produits conduit à l’échec commercial
  • les meilleurs produits sont conçus lorsque les employés sont eux-mêmes des utilisateurs du produit
  • la « recherche anthropologique » (rendre visite aux clients pour voir comment ils utilisent – ou détournent – les produits) peut considérablement éclairer les besoins et les possibilités d’innovation
  • pour entrer dans de nouveaux marchés, il est utile de disposer de partenaires locaux « de terrain » pour adapter les produits aux besoins spécifiques à ce marché
  • les équipes pluri-disciplinaires et transverses et le fait de « faire sortir plus souvent » les équipes de R&D permet de réduire l’aveuglement au client
  • le fait de répartir ses efforts de R&D à travers le monde permet aux multinationales d’améliorer leur capacité de veille et de saisir des idées et des adaptations qui ne sont pas forcément évidentes pour le siège
  • les questionnaires qui collectent des données sur le comportement du client ne sont pas suffisants ; il est plus important de savoir pourquoi les clients se comportent ainsi pour déterminer leurs véritables besoins et demandes et cela suppose généralement des contacts en face à face et un travail en étroite collaboration
  • lorsque l’on développe un produit, il est important de comprendre chez les clients leur résistance au changement et à une trop grande multiplicité des choix possibles
  • les qualités clefs de ceux qui facilitent le dialogue entre la R&D, la vente et les clients sont l’humilité et la curiosité

2 réflexions au sujet de « Innovation : du client vers la R&D »

  1. Harrault

    je suis pleinement d’accord avec tout ce que vous écrivez et plus encore…
    voilà déjà bien longtemps que je pense ainsi car je pense que l’humilité, la curiosité, la convivialité, et plus simplement encore le bon sens sont des facteurs trop souvent sous exploité bien qu’à mon sens complètement gagnant à tous les niveaux. Mais voilà, ça fait dix ans (voir plus) que je stagne dans des métiers/entreprises à la con… J’aimerais être ce consultant, doublé d’un commercial pour 2/3/ maxi4 entreprises mais je ne sais pas, plus comment m’y prendre…
    Auriez vous des conseils, des adresses à me faire partager pour enfin me réaliser pleinement….
    Merci de votre écoute
    SH

  2. Sig Auteur de l’article

    « On se bigofonne et on se fait une bouffe, coco? » Sérieusement, on peut déjeuner ensemble pour discuter de tout ça. Au mieux, j’aurai quelques idées à partager avec vous. Au pire, on aura déjeuné ensemble. :) La seule condition: déjeuner au Sud du périphérique parisien, pas trop loin de mon job.

    Bon sinon, quelques remarques: je ressens un certain pincement au coeur en lisant votre commentaire. Je vous imagine fatigué. Lassé. Ca me renvoit à certains moments où j’ai moi aussi l’impression de « stagner dans des métiers/entreprises à la con… » Pour ma part, j’ai eu le plaisir de faire un bilan de compétences payé par mon ancien employeur: très utile pour débrouiller ses idées, faire le point, et décider de la direction à prendre, faire les bons choix (ou au moins les moins pires) et être à l’aise avec. L’APEC offre des bilans de compétences il me semble. Et il existe certaines dispositions juridiques qui obligent les employeurs à contribuer au financement de tels bilans dans certains cas. Ca peut aider.

    Autre conseil au passage: j’ai été consultant indépendant (ou presque, co-gérant d’une boîte de conseil avec un associé et un salarié) il y a une dizaine d’années. C’est bon de sentir le souffle de la liberté que permet de goûter l’entreprenariat. Mais c’est dur: c’est risqué pour le portefeuille. En plus, 75% des efforts consistent à courir après le contrat. Très bon quand on se sent l’âme d’un pur commercial/consultant (et ça rapporte dans ces cas). Sinon, c’est chaud. Et, si on est passionné d’innovation, il reste à mon avis très difficile de trouver des « clients imaginatifs » avec qui innover comme le décrit Dave Pollard. C’est déjà dur de trouver des clients tout court…

    A bientôt?

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